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Par Seydi BaSeydi

Pourquoi la « fierté » d’être Noir est issue d’un mauvais raisonnement…
Source: https://www.gazettenoire.com/fierte-detre-noir-issue-dun-mauvais-raisonnement/

Un groupe d’hommes du mouvement Proud Black à Brooklyn, photographiés par Russell Frederick.

La réponse à une agression se fait dans l’urgence. L’objectif premier étant de se protéger, par nature cette réponse ne peut être le fruit d’une réflexion poussée, si tant est que la réflexion puisse s’amorcer. Il faut, pour l’agressé, faire cesser l’origine du danger, le plus rapidement possible, et à celui-ci, il convient pour lui de désamorcer toute possibilité que celle-ci ne se reproduise. C’est ainsi qu’apparurent, simultanément à la vie, pour les organismes en étant dotés, des mécanismes de défense, pour prévenir ainsi que pour guérir, tous les maux et fléaux qui empêcheraient à tout être de vivre longtemps : griffes acérées, poils épais, crocs et dards venimeux, feuilles vénéneuses…

Ces mécanismes se retrouvent également chez l’être humain. Souvent issus d’un long processus évolutif, ils ont pour objectif de nous protéger contre tout ce que nous considérons comme menaçants, ceci consciemment par l’apprentissage et l’expérience, ou inconsciemment, par le réflexe. Cependant, l’être humain étant un animal social, des mécanismes de défense spécifiques sont apparus, d’une part pour adapter l’humain à la vie en société, et d’autre part pour le protéger de ses pairs qu’il est amené à côtoyer.

La particularité de la locution « Noir et fier », est qu’elle n’est pas l’apanage d’un seul être humain mais qu’elle est dite et répétée par toute une frange de la population, notamment dans sa partie la plus militante en réponse à une suite d’agressions, du début de l’Esclavage arabo-musulman, au racisme systémique d’aujourd’hui, en passant par le symbole d’inhumanité qu’est le commerce triangulaire. Et ce mécanisme de défense ne déroge pas à la règle : né d’une volonté de répondre à l’agression, il ne fut pas murement réfléchi, et n’est donc pas issu d’un bon raisonnement : le fait uniquement d’être noir ne peut procurer aucune fierté car cet état de fait n’a pas pour origine un acte positif.

Pour commencer, la fierté, comme la honte, se rapporte à l’égo, la conscience que nous avons de nous-mêmes. Le rapport que nous avons avec nos accomplissements, et, notamment, la réaction d’autrui face à ces derniers, sont ce qui agit directement sur notre égo et qui alimentent les sentiments susmentionnés : si notre égo est flatté, nous ressentons de la fierté, et si notre égo est blessé, nous ressentons de la honte. Faire preuve de fierté n’est pas quelque chose de valorisé en société, toute réussite l’est d’autant plus si elle est accueillie avec humilité.

Sachant ceci, si nous décidons tout de même de se parer de fierté, malgré la réprobation sociale envisageable, encore faut-il que cette fierté soit légitime. En effet, aussi fantastique ou magistral soit le fait originaire de la fierté dont il est question, il faut pour être légitime qu’il soit originaire de la personne, qui l’aurait fait volontairement. On ne peut en effet être fier que de ce que l’on choisit : un état de fait résultant d’un acte positif de notre part. Ainsi je peux être fier d’avoir remporté une compétition de boxe, car c’est de mon fait, je peux être fier d’avoir eu mon diplôme pour la même raison et je peux être fier d’avoir réussi ma vie professionnellement, a fortiori si je suis issu d’une minorité victime de discriminations, ou si je suis une femme car ces éléments rendent le cheminement plus difficile. Ceci n’exclue pas la possibilité de transporter notre fierté sur une autre personne, si j’ai contribué à la réussite d’une personne, d’un ami par exemple en lui prodiguant de bons conseils aux bons moments, ou d’un enfant, en le plaçant dans un cadre propice à la réussite et en lui donnant une bonne éducation.

Cependant, puis-je légitimement dire, par exemple, que je suis fier d’être français ? Etre français ne résulte pas d’un acte positif de ma part, car naître sur le sol français a suffi à me prodiguer la nationalité française. D’aucuns diront que cette fierté provient de la satisfaction d’appartenir à un tout glorieux, mais s’approprier les mérites des Lumières ou de Léonard de Vinci, d’autrui donc, sans avoir contribué à les ériger au rang d’icônes intemporelles, est illégitime. N’ayant fait aucun acte positif pour, je ne peux être fier d’être français, je peux néanmoins m’estimer chanceux, satisfait, content de l’être. Au contraire, la personne ayant bravé la guerre, la mer, la mort, pour pouvoir poser le pied sur le sol français, et faire partie de la nation française, peut arborer sa nationalité avec fierté.

Le raisonnement est le même pour la couleur de peau, je ne peux être fier de quelque chose d’inné, que je n’ai pas choisi, bien que le contexte soit néanmoins différent : Tout d’abord, le besoin de dire, pour les Noirs, qu’ils n’avaient pas honte de ce qu’ils étaient, s’est fait ressentir, à raison, cependant par la suite cette « non-honte » s’est transformée en fierté et cette idée s’est développée dans l’inconscient collectif. La fierté d’être Noir fut ensuite proclamée puis entonnée, en réaction, par ceux à qui l’on a dit ou fait comprendre qu’ils devraient avoir honte de leur couleur. Cette culture de la honte de la personne noire fut combattue avec brio, par Césaire ou Senghor, sans qu’ils n’aient eus à se dire fiers d’être noir, et uniquement de cet état de fait ; eux prônaient leur négritude !

Mais nul ne devrait avoir honte de l’unique fait d’être né comme il est, car bien qu’il faille avoir conscience de soi, conscience de la couleur de sa peau, pour des considérations plus ou moins sérieuses, l’égo ne doit pas prendre plus de place, et le laisser s’épandre jusque nous faire ressentir de la fierté, c’est céder à la facilité selon laquelle notre couleur nous définirait. Dire que l’on peut être fier de quelque chose que l’on a pas choisi, qui ne nous est pas imputable, c’est accepter l’idée que l’on peut avoir honte d’une chose que l’on a pas fait, et cette idée est inacceptable.

In fine, si nous acceptons l’idée de fierté, il faut être fier de ce que l’on a fait, car ce sont nos expériences qui définissent ce que nous sommes. On ne peut être fier que de ce que l’on choisit, et plus que mes racines, j’entends choisir ma vie. Fêter ses racines, me réjouir de celles-ci, je le ferai, avec passion, mais en être fier, cela est hors de question, je serai fier de mes choix et de mes accomplissements.

Auteur(e) : Seydi BaSeydi est étudiant en Master II Droits africains à l'Université Paris-I Sorbonne.

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